L'été est là, donc parlons de l'été !

NUIT  D’ÉTÉ  A  LA  CAMPAGNE

Dans les années 60, pour les grandes vacances, notre arrivée dans la maison de famille de la campagne jurassienne, nous rappelait que la nature est un lieu de vie sauvage incessante.
La nuit venue, l'activité animale, atteignait son paroxysme avec les petits mammifères, les insectes, les chauves-souris, les chouettes, etc...
Entre autre, je me souviens que le soir lorsque nous avions regagné nos mansardes, on entendait avant de s'endormir des bruits bizarres et furtifs au-dessus de nos têtes. C'était la manifestation feutrée d'une petite colonie de fouines (martres) qui avaient squatté sans vergogne notre grenier. Pour elles, la nuit bien avancée sonnait l'heure du repas, et donc de multiples allées et venues avec l'extérieur.
Bien sûr, quand nous venions en vacances pendant deux mois on les dérangeait. Cependant elles s'étaient habituées à notre présence, comme nous à la leur. Elles bénéficiaient quand même de dix mois de tranquillité où leur hibernation, bien à l'abri, se passait dans les meilleures conditions. D'autres êtres bien plus calmes et minuscules qui s'étaient abonnés à vie à notre jardin, nous émerveillaient par leur fluorescence verte, qu'ils émettaient. On les appelait des vers luisants (bien que ce soit des insectes). Leur émission lumineuse pouvait durer jusqu'au milieu de la nuit en attendant l'âme sœur.
Si l'on avait le plaisir de profiter d'une nuit d'été très douce et claire, on partait faire une promenade dans le pays. Alors nous accompagnaient des chauves-souris, qui nous frôlaient pour chasser des quantités d'insectes qui nous entouraient : hannetons, lucioles, moustiques, phalènes et autres papillons de nuit.
L'ambiance pastorale était parfaitement agrémentée par les émissions sonores des grillons qui grésillent, des sauterelles qui chantent, et surtout fortissimo les chuintements des chouettes hulottes nichées dans le clocher.
De temps à autre, des cris aigus très brefs, nous faisaient sursauter. Ils provenaient d'une musaraigne qui annonçait sa fin prochaine, victime de prédateurs carnassiers.
Ces souris bizarres, de petite taille et au museau pointu pullulaient dans les jardins. Notre chat qui aimait toujours dormir dehors, chassait très souvent cette espèce très spéciale de musaraigne reconnue à sa ''queue en pinceau''.
Son plaisir était de les estourbir et de nous les ramener le matin devant la porte de la maison. Le message était clair : j'ai fait mon travail, mais je n'aime pas sa chair !
Il y avait aussi le hérisson suivi de cinq à six rejetons, qui venait piocher dans notre compost la nuit venue. Très rarement aperçu, on décelait le matin, les aliments qu'il avait mis à jour : coquilles d'œufs, fanes de carottes, restants de carcasses...De plus on trouvait dans ce lieu une grande quantité de vers de terre dont il était friand.


Au cours de notre promenade nocturne, on faisait parfois de  curieuses découvertes. Ainsi à l'entrée d'une ferme, il y avait un amas de bois humide, presque pourri. On y voyait des espèces de moisissures très lumineuses, vert clair. C'était l'œuvre de champignons microscopiques qui produisaient par eux-mêmes cette lumière.
Par curiosité et le hasard, nous devenions des naturalistes amateurs, mais très passionnés.
Une époque est passée, on ne la reverra plus.
La suppression de toute végétation soit disant inutile (haies, boqueteaux, arbres dans les prairies) a tué la vie naturelle dans nos campagnes.
Le remembrement des terres en est pour beaucoup responsable, et l'épandage de produits phytosanitaires a fait le reste...

                                 MAX  BERNARD
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LES  PASSAGERS  DE  L’ÉTÉ

A l'époque estivale, un surcroît d'animation transformait la vie de Lavangeot. Des citadins, ayant des liens familiaux avec des paysans du coin, venaient y passer leurs vacances.
Parmi eux, il y avait un commerçant exceptionnel et inattendu.
Ainsi, Monsieur Piedaniel, gendre de Madame Bataillard, venait d'Asnières où il était coiffeur. Il apportait avec lui ses outils professionnels. Ce n'était pas courant de voir un vacancier prévoir de travailler. A notre étonnement, il répondait :
''On ne sait jamais, je peux rendre service''. Et en effet, installé dans un recoin du seul magasin du village, il commençait à traiter la chevelure de toute la famille Bataillard. Les circonstances aidant, les clients qui rentraient dans ce café-restaurant, épicerie, mercerie...etc...se renseignaient si eux (ou elles), aussi, ne pouvaient pas se faire rafraîchir la tignasse. C'était oui pour tout le monde à un prix bien modique. De plus on avait des nouvelles de Paris et des informations de première main. Comme lien social, on ne pouvait pas trouver mieux... Aujourd'hui les liens naturels et amicaux ayant disparu, on a inventé l'ersatz appelé ''solidarité citoyenne''.Je cherche vainement où je peux la trouver, à part les impôts et autres taxes moralisatrices !
Et aussi ce Monsieur Desmoulins, garçon de café à Paris, qui a pris pendant trente cinq ans ses vacances dans le village, où il a aussi fini ses jours. Il débarquait le premier août et repartait le trente et un août. Dès son arrivée, son souci était de se mettre en relation avec la population. Il débutait par l'incontournable café Bataillard, surtout en fin de matinée parce qu'il y avait beaucoup de clients, et s'entretenait avec tout un chacun. Si c'était l'heure de l'apéro, il n'hésitait pas à offrir le verre de l'amitié.
Il fallait aussi qu'il se renseigne sur les nouvelles, toujours énormes, des dernières pêches miraculeuses dans le Doubs ou le canal du Rhône au Rhin. Il apprenait par de vieux baroudeurs de rivières, qu'il y avait beaucoup de silures énormes, qui faisaient tanguer les barques quand ils passaient à proximité.
Des phénomènes rares avaient été constatés, à l'époque de la remonté des anguilles dans les méandres du Doubs. Au lever du jour, ces poissons migrateurs prenaient des raccourcis sur la terre ferme dans les prés gorgés de rosée.
Dans le canal certains affirmaient que les ''cabots'' (chevesnes) mordaient à la cerise sauvage. La raison était que ce fruit, bien mûr, au mois de juillet, à la pulpe bien rouge, au contact de l'eau libérait son jus sanguin et leurrait les poissons avides de  chair   bien fraîche. Les esprits narquois en rajoutaient, en affirmant, que la cerise rouge était en effet un très bon appât. Quand on entendait craquer le noyau, il n'y avait plus qu'à retirer la ligne !
Intrigué, il s'informait par ci, par là, pour savoir si ces dernières nouvelles halieutiques n'étaient pas un peu enjolivées.
Il n'y avait pas que les vacanciers qui venaient tous les ans en été. Ainsi un couple de ''camps-volants'', autrement dit des itinérants plutôt gitans, s'installaient avec leur pimpante roulotte en bois et leurs chevaux au bord de la rivière, dans les communaux. Ils restaient deux mois environ, récoltaient l'osier qu'ils travaillaient pour faire de la vannerie.
On s'en méfiait bien à tort. Ils sont venus tous les étés pendant plus de trente ans, sans qu'il y ait eu le moindre reproche à leur égard. Bien sûr, leur vie était très spéciale ; ce qui fascinait le plus les villageois, est que toute la famille, les enfants aussi, marchait pieds nus, par tous les temps, et quelque soit l'état du terrain.
Et nous, les Bernard, nous n'étions aussi que des passagers, bien que par la famille Gabet nous avions des ascendances de plusieurs siècles à Lavangeot !!



                                                         MAX  BERNARD